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Z) Fin (12)

« (Alexandre Douguine révèle que l’État profond est une cabale occidentale corrompue, infiltrant les États-Unis et l’Europe pour manipuler les élections, écraser les dirigeants populistes comme Donald Trump et imposer son programme libéral-mondialiste en se faisant passer pour un protecteur de la démocratie tout en subvertissant impitoyablement la volonté du peuple :) Le terme « État profond » est de plus en plus utilisé aujourd’hui dans le discours politique, passant du journalisme au langage politique courant. Cependant, le terme lui-même devient quelque peu flou et différentes interprétations apparaissent. Il est donc essentiel d’examiner de plus près le phénomène décrit comme « État profond » et de comprendre quand et où ce concept a commencé à être utilisé.  Cette expression est apparue pour la première fois dans la politique turque dans les années 1990, décrivant une situation très spécifique en Turquie. En turc, « État profond » se dit derin devlet . C’est crucial car toutes les utilisations ultérieures de ce concept sont d’une manière ou d’une autre liées à son sens originel, qui a émergé pour la première fois en Turquie. Depuis l’époque de Kemal Atatürk, la Turquie a développé un mouvement politique et idéologique particulier connu sous le nom de kémalisme. Il repose sur le culte d’Atatürk (littéralement, « Père des Turcs »), une laïcité stricte (rejet du facteur religieux non seulement en politique mais aussi dans la vie publique), le nationalisme (mise en avant de la souveraineté et de l’unité de tous les citoyens dans le paysage politique ethniquement diversifié de la Turquie), le modernisme, l’européanisme et le progressisme. Le kémalisme représentait, à bien des égards, une antithèse directe de la vision du monde et de la culture qui dominaient l’Empire ottoman religieux et traditionaliste. Depuis la création de la Turquie, le kémalisme était et reste en grande partie le code dominant de la politique turque contemporaine. C’est sur la base de ces idées que l’État turc a été établi sur les ruines de l’Empire ottoman. Le kémalisme a dominé ouvertement le régime d'Atatürk et a ensuite été transmis à ses successeurs politiques. L'idéologie du kémalisme incluait une démocratie de parti à l'européenne, mais le pouvoir réel était concentré entre les mains des dirigeants militaires du pays, en particulier du Conseil de sécurité nationale (NSC). Après la mort d'Atatürk, l'élite militaire est devenue la gardienne de l'orthodoxie idéologique du kémalisme. Le NSC turc a été créé en 1960 après un coup d'État militaire et son rôle s'est considérablement accru après un autre coup d'État en 1980. Il est important de noter que de nombreux officiers supérieurs de l’armée turque et des services de renseignements étaient membres de loges maçonniques, mêlant ainsi le kémalisme à la franc-maçonnerie militaire. Chaque fois que la démocratie turque s’écartait du kémalisme – que ce soit vers la droite ou vers la gauche – l’armée annulait les résultats des élections et lançait des répressions. L’État profond se révèle lorsque des contradictions apparaissent entre les normes démocratiques formelles et le pouvoir de cette élite (sinon, l’existence de l’État profond reste obscure). L’État profond n’est possible que dans les démocraties libérales, même nominales. Dans les systèmes politiques ouvertement totalitaires, comme le fascisme ou le communisme, il n’y a pas besoin d’État profond. Ici, un groupe idéologique rigide se reconnaît ouvertement comme l’autorité suprême, se plaçant au-dessus des lois formelles. Les systèmes à parti unique mettent l’accent sur ce modèle de gouvernance, ne laissant aucune place à l’opposition idéologique et politique. Ce n’est que dans les sociétés démocratiques, où aucune idéologie dominante ne devrait exister, que l’État profond émerge comme un phénomène de « totalitarisme caché », qui manipule à volonté la démocratie et les systèmes multipartites.  Les communistes et les fascistes reconnaissent ouvertement la nécessité d’une idéologie dominante, rendant leur pouvoir politique et idéologique direct et transparent ( potestas directa , comme le dit Carl Schmitt). Les libéraux nient avoir une idéologie, mais ils en ont une. C’est pourquoi ils influencent les processus politiques en se fondant sur le libéralisme en tant que doctrine, mais seulement indirectement, par la manipulation ( potestas indirecta ). Le libéralisme ne révèle sa nature ouvertement totalitaire et idéologique que lorsque des contradictions surgissent entre lui et les processus politiques démocratiques. En Turquie, où la démocratie libérale a été empruntée à l’Occident et ne correspondait pas tout à fait à la psychologie politique et sociale de la société, l’État profond a été facilement identifié et nommé. Dans d’autres systèmes démocratiques, l’existence de cette instance idéologique totalitaire, illégitime et formellement « inexistante », est devenue évidente plus tard. Concentrons-nous maintenant sur le fait que le terme « État profond » est apparu dans les discours des journalistes, analystes et politiciens aux États-Unis pendant la présidence de Donald Trump. Une fois de plus, le contexte historique joue un rôle décisif. Les partisans de Trump, comme Steve Bannon et d’autres, ont commencé à parler de la façon dont Trump, ayant le droit constitutionnel de déterminer le cours de la politique américaine en tant que président élu, a rencontré des obstacles inattendus qui ne pouvaient pas être simplement attribués à l’opposition du Parti démocrate ou à l’inertie bureaucratique. Peu à peu, à mesure que cette résistance s’intensifiait, Trump et ses partisans ont commencé à se considérer non seulement comme des représentants du programme républicain, traditionnel pour les politiciens et présidents du parti précédents, mais comme quelque chose de plus. Leur focalisation sur les valeurs traditionnelles et leur critique de l’agenda mondialiste ont touché une corde sensible non seulement chez leurs adversaires politiques directs, les « progressistes » et le Parti démocrate, mais aussi chez une entité invisible et inconstitutionnelle, capable d’influencer tous les processus majeurs de la politique américaine — la finance, les grandes entreprises, les médias, les agences de renseignement, le système judiciaire, les principales institutions culturelles, les meilleurs établissements d’enseignement, etc. — de manière coordonnée et ciblée. Il semblerait que les actions de l’appareil gouvernemental dans son ensemble devraient suivre le cours et les décisions d’un président des États-Unis légalement élu. Mais il s’est avéré que ce n’était pas du tout le cas. Indépendamment de Trump, à un niveau supérieur du « pouvoir de l’ombre », des processus incontrôlables étaient en cours. C’est ainsi que l’État profond a été découvert aux États-Unis mêmes. Or avec la réélection de Trump dont suite au travail de Bannon ayant travaillé à créer une structure internationale autour de Trump, de ses mandats, de son souverainisme conservateur, cherchant l'alliance du monde du travail élargi, c'est à dire des PME au delà des communautés, tout cela a fini par triompher grandement. Aux États-Unis, comme en Turquie, il existe sans aucun doute une démocratie libérale. Mais l’existence d’une entité militaro-politique non élue, liée à une idéologie spécifique (indépendamment de la victoire d’un parti particulier) et éventuellement membre d’une société secrète (comme une organisation de type maçonnique) était complètement imprévue pour les Américains. Par conséquent, le discours sur l’État profond pendant cette période a été une révélation pour beaucoup, passant d’une « théorie du complot » à une réalité politique visible. Bien sûr, l’assassinat non résolu de John F. Kennedy, l’élimination probable d’autres membres de son clan, les nombreuses incohérences entourant les événements tragiques du 11 septembre et plusieurs autres secrets non résolus de la politique américaine ont conduit les Américains à soupçonner l’existence d’une sorte de « pouvoir caché » aux États-Unis. L’histoire de la présidence de Trump, et plus encore, sa persécution après sa défaite face à Biden et les deux tentatives d’assassinat pendant la campagne électorale de 2024, rendent nécessaire de prendre au sérieux l’État profond aux États-Unis. Ce n’est plus quelque chose que l’on peut ignorer. Il existe bel et bien, il agit, il est actif et il… gouverne. Pour trouver une explication à ce phénomène, il faut d’abord se tourner vers les organisations politiques américaines du XXe siècle qui étaient les plus idéologiques et cherchaient à fonctionner au-delà des clivages partisans. Si nous essayons de trouver le noyau de l’État profond parmi les militaires, les agences de renseignement, les magnats de Wall Street, les magnats de la technologie et autres, il est peu probable que nous parvenions à une conclusion satisfaisante. La situation y est trop individualisée et diffuse. Il faut d’abord et avant tout prêter attention à l’idéologie. En laissant de côté les théories du complot, deux entités se distinguent comme étant les plus aptes à jouer ce rôle : le CFR (Council on Foreign Relations), fondé dans les années 1920 par des partisans du président Woodrow Wilson, ardent défenseur du mondialisme démocratique, et le mouvement beaucoup plus tardif des néoconservateurs américains, issus du milieu trotskiste autrefois marginal et qui ont progressivement acquis une influence significative aux États-Unis. Le CFR et les néoconservateurs sont tous deux indépendants de tout parti. Leur objectif est de guider le cours stratégique de la politique américaine dans son ensemble, quel que soit le parti au pouvoir à un moment donné. De plus, ces deux entités possèdent des idéologies bien structurées et claires : le mondialisme de gauche libéral dans le cas du CFR et l’hégémonie américaine affirmée dans le cas des néoconservateurs. Le CFR peut être considéré comme les mondialistes de gauche et les néoconservateurs comme les mondialistes de droite. Dès sa création, le CFR s’est fixé pour objectif de faire passer les États-Unis d’un État-nation à un « empire » démocratique mondial. Contre les isolationnistes, le CFR a avancé la thèse selon laquelle les États-Unis sont destinés à rendre le monde entier libéral et démocratique. Les idéaux et les valeurs de la démocratie libérale, du capitalisme et de l’individualisme ont été placés au-dessus des intérêts nationaux. Tout au long du XXe siècle, à l’exception d’une brève interruption pendant la Seconde Guerre mondiale, ce réseau de politiciens, d’experts, d’intellectuels et de représentants de sociétés transnationales a œuvré à la création d’organisations supranationales : d’abord la Société des Nations, puis les Nations Unies, le Club Bilderberg, la Commission trilatérale, etc. Leur tâche consistait à créer une élite libérale mondiale unifiée qui partageait l’idéologie du mondialisme dans tous les domaines – philosophie, culture, science, économie, politique, etc. Les activités des mondialistes au sein du CFR visaient à l’établissement d’un gouvernement mondial, impliquant le dépérissement progressif des États-nations et le transfert du pouvoir des anciennes entités souveraines aux mains d’une oligarchie mondiale, composée des élites libérales du monde, formées selon les modèles occidentaux. Grâce à ses réseaux européens, le CFR a joué un rôle actif dans la création de l’Union européenne (une étape concrète vers un gouvernement mondial). Ses représentants – en particulier Henry Kissinger, le leader intellectuel de l’organisation – ont joué un rôle clé dans l’intégration de la Chine au marché mondial, une mesure efficace pour affaiblir le bloc socialiste. Le CFR a également activement promu la théorie de la convergence et a réussi à exercer une influence sur les dirigeants soviétiques jusqu’à Gorbatchev. Sous l’influence des stratégies géopolitiques du CFR, les idéologues soviétiques de la fin de l’ère communiste ont écrit sur la « gouvernabilité de la communauté mondiale ». Aux États-Unis, le CFR est un organisme strictement non partisan, qui regroupe à la fois des démocrates, dont il est un peu plus proche, et des républicains. Il fait office d’état-major du mondialisme, avec des initiatives européennes similaires – comme le Forum de Davos de Klaus Schwab – comme branches. À la veille de l’effondrement de l’Union soviétique, le CFR a établi une branche à Moscou, à l’Institut d’études systémiques, sous la direction de l’académicien Gvishiani, d’où sont issus le noyau des libéraux russes des années 1990 et la première vague d’oligarques idéologiques. Il est clair que Trump a rencontré précisément cette entité, présentée aux États-Unis et dans le monde entier comme une plate-forme inoffensive et prestigieuse pour l’échange d’opinions d’experts « indépendants ». Mais en réalité, il s’agit d’un véritable quartier général idéologique. Trump, avec son programme conservateur à l’ancienne, mettant l’accent sur les intérêts américains et sa critique du mondialisme, est entré en conflit direct et ouvert avec elle. Trump a peut-être été président des États-Unis pendant une courte période, mais le CFR a une histoire séculaire de détermination de l’orientation de la politique étrangère américaine. Et, bien sûr, au cours de ses cent ans au pouvoir, le CFR a formé un vaste réseau d’influence, diffusant ses idées parmi les militaires, les fonctionnaires, les personnalités culturelles et les artistes, mais surtout dans les universités américaines, qui sont devenues de plus en plus idéologisées au fil du temps. Formellement, les États-Unis ne reconnaissent aucune domination idéologique. Mais le réseau du CFR est hautement idéologique. Le triomphe planétaire de la démocratie, l’établissement d’un gouvernement mondial, la victoire complète de l’individualisme et de la politique de genre – tels sont les objectifs les plus élevés dont il est inacceptable de s’écarter.  Le nationalisme de Trump, son programme America First et ses menaces de « drainer le marais mondialiste » représentaient un défi direct à cette entité, gardienne des codes du libéralisme totalitaire (comme de toute idéologie). Le CFR peut-il être considéré comme une société secrète ? Difficile. Bien qu’il privilégie la discrétion, il opère généralement ouvertement. Par exemple, peu après le début de l’opération militaire spéciale russe, les dirigeants du CFR (Richard Haass, Fiona Hill et Celeste Wallander) ont ouvertement discuté de la faisabilité d’un assassinat du président Poutine (une transcription de cette discussion a été publiée sur le site officiel du CFR). L’État profond américain, contrairement à l’État turc, pense à l’échelle mondiale. Ainsi, les événements en Russie ou en Chine sont considérés par ceux qui se considèrent comme le futur gouvernement mondial comme des « affaires intérieures ». Et tuer Trump serait encore plus simple – s’ils ne peuvent pas l’emprisonner ou l’exclure des élections. Il est important de noter que les loges maçonniques ont joué un rôle clé dans le système politique américain depuis la guerre d’indépendance des États-Unis. En conséquence, les réseaux maçonniques sont étroitement liés au CFR et servent d’organismes de recrutement pour celui-ci. Aujourd’hui, les mondialistes libéraux n’ont plus besoin de se cacher. Leurs programmes ont été pleinement adoptés par les États-Unis et l’Occident dans son ensemble. À mesure que le « pouvoir secret » se renforce, il cesse progressivement d’être secret. Ce qui devait autrefois être protégé par la discipline du secret maçonnique est désormais devenu un programme mondial ouvert. Les francs-maçons n’ont pas hésité à éliminer physiquement leurs ennemis, même s’ils n’en parlaient pas ouvertement. Aujourd’hui, ils le font. C’est la seule différence. Le deuxième centre de l’État profond est celui des néoconservateurs impérialistes. À l’origine, il s’agissait de trotskistes qui haïssaient l’Union soviétique et Staline parce que, selon eux, la Russie n’avait pas construit un socialisme international mais un socialisme « national », c’est-à-dire un socialisme dans un seul pays. Par conséquent, selon eux, une véritable société socialiste n’a jamais été créée, et le capitalisme n’a jamais été pleinement réalisé. Les trotskistes croient que le véritable socialisme ne peut émerger qu’une fois que le capitalisme sera devenu planétaire et aura triomphé partout, mélangeant de manière irréversible tous les groupes ethniques, peuples et cultures tout en abolissant les traditions et les religions. Ce n’est qu’à ce moment-là (et pas avant) que viendra le temps de la révolution mondiale.  Les trotskistes américains en ont donc conclu qu’ils devaient aider le capitalisme mondial et les États-Unis en tant que porte-étendard, tout en cherchant à détruire l’Union soviétique (et plus tard la Russie, son successeur), ainsi que tous les États souverains. Le socialisme, pensaient-ils, ne pouvait être que strictement international, ce qui signifiait que les États-Unis devaient renforcer leur hégémonie et éliminer leurs adversaires. Ce n’est qu’une fois que le Nord riche aura établi une domination complète sur le Sud appauvri et que le capitalisme international régnera partout en maître que les conditions seront réunies pour passer à la phase suivante du développement historique.  Pour mettre en œuvre ce plan diabolique, les trotskistes américains ont pris la décision stratégique de s’introduire dans la politique – mais pas directement, puisque personne aux États-Unis ne votait pour eux. Ils ont plutôt infiltré les principaux partis, d’abord par l’intermédiaire des démocrates, puis, après avoir pris de l’ampleur, également par l’intermédiaire des républicains.  Les trotskistes ont ouvertement reconnu la nécessité de l’idéologie et ont considéré la démocratie parlementaire avec dédain, la considérant simplement comme une couverture pour le grand capital (ce qui montre encore qu'un projet politique peut se servir d'une institution ou d'une organissation opposées pour se réaliser dont en transformant l'utilité de ces dernières jusqu'à les démoder). Ainsi, aux côtés du CFR, une autre version de l’État profond s’est formée aux États-Unis. Les néoconservateurs n’ont pas affiché leur trotskisme mais ont plutôt séduit les militaristes américains traditionnels, les impérialistes et les partisans de l’hégémonie mondiale. Et c’est avec ces gens, qui jusqu’à Trump avaient pratiquement dominé le Parti républicain, que Trump a dû lutter. La démocratie est une dictature  Dans un certain sens, l’État profond américain est bipolaire, ce qui signifie qu’il a deux pôles :le pôle de gauche mondialiste (CFR) et le pôle mondialiste de droite (les néoconservateurs).  Ces deux organisations sont apolitiques, non élues et véhiculent une idéologie agressive et proactive qui est, par essence, ouvertement totalitaire. Elles sont en accord sur de nombreux points, ne divergeant que par leur rhétorique. Toutes deux sont farouchement opposées à la Russie de Poutine et à la Chine de Xi Jinping, et elles sont contre la multipolarité en général. Aux États-Unis, elles sont toutes deux opposées à Trump, car lui et ses partisans représentent une version plus ancienne de la politique américaine, déconnectée du mondialisme et centrée sur les questions intérieures. Une telle position de la part de Trump est une véritable rébellion contre le système, comparable aux politiques islamistes d’Erbakan et d’Erdogan qui défient le kémalisme en Turquie. C’est ce qui explique pourquoi le discours sur l’État profond a émergé avec la présidence de Trump. Trump et ses politiques ont gagné le soutien d’une masse critique d’électeurs américains. Cependant, il s’est avéré que cette position ne correspondait pas aux vues de l’État profond, qui s’est révélé en agissant durement contre Trump, en outrepassant le cadre juridique et en piétinant les normes de la démocratie. La démocratie, c’est nous, a déclaré en substance l’État profond américain. De nombreux critiques ont commencé à parler d’un coup d’État. Et c’est essentiellement de cela qu’il s’agissait. Le pouvoir de l’ombre aux États-Unis s’est heurté à la façade démocratique et a commencé à ressembler de plus en plus à une dictature – libérale et mondialiste. Considérons maintenant ce que l’État profond pourrait signifier dans le cas des pays européens. Ces derniers temps, les Européens ont commencé à remarquer que quelque chose d’inhabituel se produisait dans la démocratie de leurs pays. La population vote selon ses préférences, soutenant de plus en plus divers populistes, en particulier ceux de droite. Pourtant, une entité au sein de l’État réprime immédiatement les vainqueurs, les soumet à la répression, les discrédite et les écarte de force du pouvoir. On le voit dans la France de Macron avec le parti de Marine Le Pen, en Autriche avec le Parti de la liberté, en Allemagne avec l’Alternative pour l’Allemagne et le parti de Sahra Wagenknecht, et aux Pays-Bas avec Geert Wilders, entre autres. Ils remportent des élections démocratiques mais sont ensuite écartés du pouvoir. Cette situation est-elle familière ? Oui, elle ressemble beaucoup à celle de la Turquie et de l’armée kémaliste. Cela suggère que nous avons affaire à un État profond en Europe également. Il devient immédiatement évident que dans tous les pays européens, cette entité n’est pas nationale et fonctionne selon le même modèle. Il ne s’agit pas seulement d’un État profond français, allemand, autrichien ou néerlandais. Il s’agit d’un État profond paneuropéen, qui fait partie d’un réseau mondialiste unifié. Le centre de ce réseau se trouve dans l’État profond américain, principalement dans le CFR, mais ce réseau enveloppe aussi étroitement l’Europe. Ici, les forces libérales de gauche, en étroite alliance avec l’oligarchie économique et les intellectuels postmodernes – presque toujours issus d’un milieu trotskiste – forment la classe dirigeante non élue mais totalitaire de l’Europe. Cette classe se considère comme faisant partie d’une communauté atlantique unifiée. Pour l’essentiel, elle constitue l’élite de l’OTAN. On peut encore une fois penser à l’armée turque. L’OTAN est le cadre structurel de l’ensemble du système mondialiste, la dimension militaire de l’État profond collectif de l’Occident.  Il n’est pas difficile de situer l’État profond européen dans des structures similaires au CFR, comme la branche européenne de la Commission trilatérale, le Forum de Davos de Klaus Schwab et d’autres. C’est à cette autorité que la démocratie européenne se heurte lorsque, comme Trump aux États-Unis, elle tente de faire des choix que les élites européennes jugent « mauvais », « inacceptables » et « répréhensibles ». Et il ne s’agit pas seulement des structures formelles de l’Union européenne. Le problème réside dans une force beaucoup plus puissante et efficace qui ne revêt aucune forme juridique. Ce sont les porteurs du code idéologique qui, selon les lois formelles de la démocratie, ne devraient tout simplement pas exister. Ce sont les gardiens du libéralisme profond, qui répondent toujours durement à toute menace qui surgit de l’intérieur même du système démocratique. Comme aux États-Unis, les loges maçonniques ont joué un rôle important dans l'histoire politique de l'Europe moderne, servant de siège à des réformes sociales et à des transformations laïques. Aujourd'hui, les sociétés secrètes ne sont plus vraiment nécessaires, car elles fonctionnent depuis longtemps ouvertement, mais le maintien des traditions maçonniques reste un élément de l'identité culturelle de l'Europe. Nous arrivons ainsi au plus haut niveau d’une entité antidémocratique, profondément idéologique, qui agit en violation de toutes les règles et normes juridiques et détient le pouvoir absolu en Europe. Il s’agit d’un pouvoir indirect, ou d’une dictature cachée – l’État profond européen, partie intégrante du système unifié de l’Occident collectif, uni par l’OTAN. Il reste à appliquer le concept d’État profond à la Russie. Il est à noter que dans le contexte russe, ce terme est très rarement utilisé, voire jamais. Cela ne signifie pas qu’il n’existe rien de semblable à un État profond en Russie. Cela suggère plutôt qu’aucune force politique significative bénéficiant d’un soutien populaire critique ne s’y est encore opposée. Néanmoins, nous pouvons décrire une entité qui, avec un certain degré d’approximation, peut être appelée « État profond russe ». En Russie, après l’effondrement de l’Union soviétique, l’idéologie d’État a été bannie et, à cet égard, la Constitution russe s’aligne parfaitement sur celle d’autres régimes prétendument libéraux et démocratiques. Les élections sont multipartites, l’économie est fondée sur le marché, la société est laïque et les droits de l’homme sont respectés. D’un point de vue formel, la Russie contemporaine ne diffère pas fondamentalement des pays d’Europe, d’Amérique ou de Turquie.  Cependant, il existait en Russie une sorte d’entité implicite et non partisane, surtout à l’époque d’Eltsine. À l’époque, on faisait référence à cette entité sous le terme général de « La Famille ». La Famille remplissait les fonctions d’un État profond. Si Eltsine lui-même était le président légitime (mais pas toujours légitime au sens large), les autres membres de cette entité n’étaient élus par personne et n’avaient aucune autorité légale. Dans les années 1990, la Famille se composait des proches d’Eltsine, d’oligarques, de responsables de la sécurité loyaux, de journalistes et d’occidentalistes libéraux convaincus. Ce sont eux qui ont mis en œuvre les principales réformes capitalistes dans le pays, les faisant passer au mépris de la loi, la modifiant à leur guise ou l’ignorant tout simplement. Ils n’ont pas agi uniquement par intérêt clanique, mais comme un véritable État profond : ils ont interdit certains partis, en ont artificiellement soutenu d’autres, ont refusé le pouvoir aux vainqueurs (comme le Parti communiste et le LDPR) et l’ont accordé à des individus inconnus et sans distinction, ont contrôlé les médias et le système éducatif, ont réaffecté des industries entières à des personnalités loyales et ont éliminé ce qui ne les intéressait pas. À cette époque, le terme « État profond » n’était pas connu en Russie, mais le phénomène lui-même était clairement présent. Il faut cependant noter que dans un laps de temps aussi court après l’effondrement du système de parti unique ouvertement totalitaire et idéologique, un État profond pleinement développé n’aurait pas pu se former de manière indépendante en Russie. Naturellement, les nouvelles élites libérales se sont simplement intégrées au réseau mondial occidental, en y puisant à la fois l’idéologie et la méthodologie du pouvoir indirect ( potestas indirecta ) – par le biais du lobbying, de la corruption, des campagnes médiatiques, du contrôle de l’éducation et de l’établissement de normes sur ce qui était bénéfique et ce qui était nuisible, ce qui était permis et ce qui devait être interdit. L’État profond de l’ère Eltsine qualifiait ses opposants de « rouges-bruns », bloquant préventivement les défis sérieux de la droite comme de la gauche. Cela indique qu’il existait une forme d’idéologie (officiellement non reconnue par la Constitution) qui servait de base à de telles décisions sur ce qui était bien et ce qui était mal. Cette idéologie était le libéralisme. L’État profond n’apparaît que dans les démocraties, fonctionnant comme une institution idéologique qui les corrige et les contrôle (telle une dictature libérale). Ce pouvoir de l’ombre a une explication rationnelle. Sans un tel régulateur supra-démocratique, le système politique libéral pourrait changer, car il n’y a aucune garantie que le peuple ne choisira pas une force qui offre une voie alternative à la société. C’est précisément ce qu’Erdoğan en Turquie, Trump aux États-Unis et les populistes en Europe ont essayé de faire – et y sont partiellement parvenus. Cependant, la confrontation avec les populistes oblige l’État profond à sortir de l’ombre. En Turquie, cela a été relativement facile, car la domination des forces militaires kémalistes était largement conforme à la tradition historique. Mais dans le cas des États-Unis et de l’Europe, la découverte d’un quartier général idéologique fonctionnant par la coercition, des méthodes totalitaires et des violations fréquentes de la loi – sans aucune légitimité électorale – apparaît comme un scandale, car elle porte un coup dur à la croyance naïve dans le mythe de la démocratie. L’État profond repose sur une thèse cynique, dans l’esprit de La Ferme des animaux d’Orwell : « Certains démocrates sont plus démocrates que d’autres. » Mais les citoyens ordinaires peuvent y voir une forme de dictature et de totalitarisme. Et ils auraient raison. La seule différence est que le totalitarisme à parti unique opère ouvertement, tandis que le pouvoir de l’ombre qui se tient au-dessus du système multipartite est contraint de dissimuler son existence même. Cela ne peut plus être caché. Nous vivons dans un monde où l’État profond est passé d’une théorie du complot à une réalité politique, sociale et idéologique claire et facilement identifiable.  Il vaut mieux regarder la vérité en face. L’État profond existe et il est sérieux. » (Extraits de l'article « l’État profond » d'Alexandre Douguine)
« (La Russie va) Vers l’avènement de la quatrième théorie politique. En fait, nous, Russes, avons changé d’idéologie pour la troisième fois en 35 ans.  Jusqu’au début des années 90, la société était soumise à la dictature du marxisme-léninisme. Elle était obligatoire et (bien que formellement seulement) tout était construit sur cette base – la politique, l’économie, la science, l’éducation, le droit. En général, tout. Au début des années 90, il y a eu un coup d’État idéologique. Les libéraux occidentalistes (les « réformateurs ») ont pris le pouvoir. Une dictature idéologique libérale a été instaurée. Désormais, tout – la politique, l’économie, la science, l’éducation, le droit – a commencé à être remodelé selon les normes libérales occidentales. Le libéralisme était désormais considéré comme la seule vraie doctrine. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, Poutine n’a pas aboli la dictature idéologique des libéraux dans un premier temps, mais a exigé de prendre en compte la souveraineté de l’État (lequel demeurait libéral, occidentalisé). Nous sommes restés dans le paradigme du libéralisme, mais en mettant l’accent sur la souveraineté. Sourkov l’a appelé « démocratie souveraine ». Le diktat idéologique du libéralisme a persisté. Les libéraux purs ont réagi à la politique de souveraineté de Poutine de deux manières: certains, directement, avec l’argent de l’Occident libéral et à l’instigation des services de sécurité occidentaux, ont commencé à protester (c’était la cinquième colonne), tandis que d’autres n’ont pas osé discuter avec Poutine, l’ont imité, se sont cachés et ont commencé à saboter discrètement mais compulsivement la politique de souveraineté (c’est ce que je nomme la sixième colonne, les Sislibs). Avec le début de l’Opération militaire spéciale (OMS), la dispersion finale de la cinquième colonne a eu lieu et les purges contre la sixième ont commencé. Certains Sislibs (Tchoubaïs, etc.) ont paniqué et se sont réfugiés en Israël et à Londres. Les plus malins se terrent plus profondément. Mais le véritable bouleversement idéologique n’a commencé que maintenant. Lorsqu’il est devenu clair que la Crimée était à nous pour toujours, comme les vieilles terres récupérées, que la guerre se poursuivait jusqu’à la Victoire et que l’OMS n’était pas un échec technique dans les relations avec l’Occident libéral, comme on avait pu le penser auparavant, mais constituait une rupture irréversible. La dictature de l’idéologie libérale a alors pris fin.  La transition du communisme au libéralisme a été facile, parce que les méthodologies, les instructions et les manuels pouvaient être obtenus à l’Ouest. Non seulement gratuitement, mais aussi contre rémunération – au bénéfice de la CIA, du département d’État et de Soros. La transition du libéralisme à l’idéologie russe est plus difficile. Il est impossible de revenir au communisme (où, soit dit en passant, on ne nous appelle pas) ou à la monarchie orthodoxe (où l’on ne vous appelle pas de manière intrusive, mais où tout le monde a déjà oublié ce que cela signifiait). Les bénévoles sont formidables, mais ils ne constituent pas une idéologie. Il n’existe pas de méthodologies, d’instructions et de manuels pour la troisième idéologie russe en advenance. Une chose est claire: ce ne sera ni le communisme ni le libéralisme. Mais ce ne sera pas non plus le fascisme – nous combattons le fascisme en Ukraine. Nous devons donc faire revivre quelque chose de pré-occidental, d’enraciné, qui est la base même de l’identité russe, mais en le projetant de manière innovante et créative dans l’avenir. Une sorte de futurisme impérial patriotique russe.  Les valeurs traditionnelles (fondamentales), l’éducation historique, la marche en avant vers le monde multipolaire, la thèse de la Russie en tant qu’État-civilisation constituent les éléments les plus importants à approfondir et à diffuser à cet égard. Il ne s’agit en aucun cas de communisme, de libéralisme ou de fascisme. C’est, en fait, la quatrième théorie politique. C’est la transformation idéologique qui se déroule actuellement. Une libération radicale qui est rupture avec la dictature libérale. Mais sans tomber dans le piège du communisme ou du nationalisme (du fascisme). Après tout, ces « -ismes » sont également des doctrines politiques occidentales de l’ère moderne européenne. Elles ne sont pas russes, ni dans la forme ni dans le sens. Et il est nécessaire d’avoir recours à la Russie. Aujourd’hui, nous avons besoin que d’éléments russes.  Ce virage est inévitable et ne dépend pas de l’arbitraire des autorités ou de certains groupes idéologiques. La Russie souveraine doit avoir une idéologie souveraine. Et celle-ci ne sera pas discutée, elle sera approuvée comme les premiers décrets des bolcheviks ou la privatisation des années 1990. » (Alexandre Douguine)
« L’Occident a provoqué les conflits en Ukraine, au Proche-Orient et continue de mentir. En déclarant que la Russie veut attaquer l’Europe, l’Occident délire. Les actions des États-Unis détruisent le système de sécurité en Europe. Sans une Russie souveraine et forte, un ordre mondial durable est impossible. L’Occident détruit délibérément les normes morales et l’institut de la famille, alors que la Russie choisit la vie et les valeurs traditionnelles. La Russie a été et reste un bastion des valeurs traditionnelles, notre choix est partagé par la majorité des peuples du monde. Nous ne permettrons à personne de s’immiscer dans nos affaires intérieures. Il est nécessaire de former un nouveau contour de la sécurité mondiale. La Russie est prête au dialogue avec tous les pays. Le dialogue de la Russie avec l’ASEAN, l’Afrique et les pays arabes se développe de manière positive. Nous voyons de grandes perspectives dans la construction d’un vaste partenariat eurasien. L’économie russe a accusé en 2023 une croissance beaucoup plus rapide que l’économie mondiale, et a devancé les pays du G7. À court terme, la Russie intégrera le top 4 des plus grandes économies mondiales. La part des produits importés devra baisser, d’ici 2030, à 17% du PIB. De nombreux anciens monopoles et stéréotypes s’effondrent dans l’économie mondiale. Les pays des BRICS créeront 37% du PIB mondial d’ici 2028, alors que l’indicateur du G7 tombera à 28%. L’Occident scie la branche sur laquelle il est assis depuis des décennies, discréditant ses propres monnaies et son système bancaire. La Russie construira une nouvelle architecture financière mondiale sur une base technologique avancée qui ne dépendra pas d’interférence politique. Nous travaillerons avec des nations amies pour créer de nouveaux corridors logistiques et mettre en place une infrastructure financière sûre. » (Extrais du discours du président russe Poutine à l’Assemblée fédérale russe en février 2024)
« Les membres des BRICS comprennent qu’une unité, même imparfaite et versatile, vaut mieux qu’une domination étrangère arrogante et sans partage. Les BRICS+, soit les trois quarts de l’humanité accompagnent ainsi la Russie dans ce que les médias occidentaux qualifient sans rire de superbe isolement. Sans compter que le sommet de Kazan a également officialisé l’ajout de 13 nouvelles nations partenaires des BRICS, un coup de maître qui renforce encore la voix de ce bloc. Treize pays (Algérie, Biélorussie, Bolivie, Cuba, Indonésie, Kazakhstan, Malaisie, Nigeria, Thaïlande, Turquie, Ouganda, Ouzbékistan et Viêt Nam) ont été accueillis avec des promesses de coopération et de solidarité. C’est un signal clair : le monde est en train de changer, et il ne s’agit plus seulement de rassembler des pays, mais de redéfinir les règles de la gouvernance mondiale. La diversité au service de la souveraineté.  Souveraineté également au cœur de l’objectif d’approfondissement de l’intégration financière, avec le développement d’un système de paiement hors dollar. À chaque nouveau sommet, des rumeurs d’une « monnaie BRICS » surgissent, un fantôme qui hante la Réserve fédérale. Mikhail Mishustin, a balancé une statistique qui en dit long : 90 % des règlements avec les « pays amis » – comprenant la Chine, la Turquie, l’Inde et l’Égypte – se font désormais en monnaies nationales. Vladimir Poutine, quant à lui, a plaidé pour l’utilisation de ces monnaies locales mais aussi pour la création d’une nouvelle monnaie de réserve avant de présenter un « billet de banque BRICS » symbolique. Une approche prudente pour la création d’une nouvelle monnaie de réserve, mettant en lumière les disparités économiques au sein des BRICS. Mais avec la Chine qui dévoile des plans pour un yuan soutenu par l’or, et la Russie qui se lance dans le commerce avec des monnaies liées à l’or, le message est clair : le monde s’éloigne lentement de l’emprise du dollar. (Or avec la proposition de la Chine d'émettre pour 40 milliards de dollars d'obligations, le dollar pourrait rester la monnaie de réserve mondiale mais en étant donc contrôlé par la Chine.) Au cours des dix dernières années, les achats d’or par les banques centrales ont littéralement explosé, éclipsant ceux des bons du Trésor américain. Les investisseurs, pris de vertige face à une dette publique qui grimpe en flèche, commencent à préférer les actifs physiques. Le rapport préparé par le ministère russe des Finances, en collaboration avec la Banque de Russie et le cabinet de conseil Yakov & Partners, révèle le projet d’un « système multidevises » pour protéger les participants des caprices de l’hégémonie américaine. Au-delà de la théorie, ces discussions se concrétisent par des propositions telles que l’utilisation de la technologie du grand livre distribué (DLT). Cette technologie liée à la blockchain va bouleverser le fonctionnement de la finance internationale et permettre aux nations BRICS de régler directement leurs déséquilibres commerciaux, sans passer par le système SWIFT. Autre projet : créer une bourse des céréales des BRICS ainsi que des centres pour le commerce de matières premières (pétrole, gaz naturel, minerais et métaux précieux) dont ces pays détiennent ensemble un quasi-monopole. Ici, les BRICS ne se contentent pas de revendiquer une place au banquet mondial : ils commencent à élaborer le menu. Nouvelles routes commerciales, systèmes de paiement alternatifs, bourse des céréales alternative, matières premières stratégiques créent un nouvel écosystème où l’Occident qui, hier encore, faisait des moulinets pour épater les banlieues d’un monde qu’il pensait être le sien, est de plus en plus marginalisé. Le bloc BRICS est encore timide, mais il se donne les moyens de ne plus suivre le scénario écrit par des maîtres arrogants. Bientôt il prendra d’assaut des institutions internationales fatiguées et vermoulues. Le fruit est mûr, prêt à tomber. » (Thodinor)
« Dans le cadre d’une guerre civilisationnelle, la société russe se met sur le pied de guerre, pour ne pas subir le sort de l’URSS (« piège lacédémonien ») et pour pouvoir affronter le bloc adverse dans la durée. Le challenge consiste à générer une production militaire qui alimente l’économie sans la « plomber » et sans sacrifier l’objectif de développement intérieur à long terme. C’est un défi qui n’est pas sans rapport avec le « New deal » étatsunien, qui a pu fonctionner grâce à la 2e GM. Cela nécessite que l’appareil d’Etat soit confié à des responsables civils et militaires adaptés à cette évolution. La guerre en Ukraine est un épiphénomène d’une opposition fondamentale avec l’Occident collectif, sa mainmise mondiale et sa volonté de contrôler l’Eurasie (et donc le monde, en sachant que ce qui reste à contrôler de l'Eurasie et du monde correspond désormais à la Russie, la Chine et l'Iran, car les autres nations du monde suivront ensuite plus ou mois). Cela prolonge la volonté de résister à l’insertion forcée de la Russie dans les périphériques étatsuniens, exprimée dès le fameux discours de Munich en 2008. Cette opposition militaire n’étant que la continuation de la politique, engendre un important volet économique et culturel. La réactivation des valeurs traditionnelles et conservatrices est le moyen de s’opposer au soft power corrosif et délétère de l’Occident. L’enjeu consiste à découpler la modernité et la performance technologique et économique de ce socle intellectuel et social. Il faut également cantonner le « choc de civilisation » aux deux blocs en évitant que n’apparaissent des fissures internes, ethniques religieuses et sociétales. La guerre peut s’avérer un accélérateur ou un facteur de résistance. » (Olivier Chambrin)
« Les opérations militaires en Ukraine ne sont qu’une toute petite partie d’un bras de fer mondial. C’est pas spécifiquement sur le terrain militaire en Ukraine que se gagnera la guerre. C’est le bras de fer mondial entre deux conceptions du monde, la conception des États-Unis et de l’OTAN, qui est l’hégémonie pour le côté occidental, et puis la conception de la multipolarité, qui est dirigée par la Russie, la Chine, l’Inde, les BRICS, on va dire, ou l’Organisation de coopération de Shanghai. Donc l’opération de Koursk est une opération militaire qui s’inscrit dans le petit front de l’Ukraine, qui n’est pas un front majeur dans le bras de fer qui oppose l’hégémon US et la multipolarité. Ça, il faut bien l’avoir compris. Le bras de fer, il est pas seulement militaire, il est économique aussi, et c’est de mon point de vue l’économie qui aura le dernier mot dans ce bras de fer gigantesque, qui est une véritable guerre mondiale. » (Général Delawarde)
« C’est un cliché de dire que la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Il est important d’ajouter que la guerre est la continuation de la politique sous un angle différent. Ainsi, la guerre, dans son implacabilité, nous amène à un nouveau point de vue, à un point de vue élevé. Et de là, elle nous donne une perspective complètement différente, jusqu’alors inconnue. Nous nous trouvons dans un nouvel environnement et dans un nouveau champ de forces concentré. Dans cette pure réalité, les idéologies perdent leur pouvoir, les tours de passe-passe statistiques perdent leur pouvoir, les distorsions médiatiques et la dissimulation tactique des politiciens perdent leur pouvoir. Les illusions répandues, ou même les théories du complot, n’ont plus aucun sens. Ce qui reste, c’est la réalité brutale et cruelle. Jusqu’à présent, l’Occident a pensé et agi comme s’il se considérait comme une référence, une sorte de point de référence pour le monde. Il a fourni les valeurs que le monde a dû accepter, par exemple la démocratie libérale ou la transition écologique. Mais la plupart des pays du monde l’ont remarqué et, ces deux dernières années, un virage à 180 degrés a eu lieu. Une fois de plus, l’Occident a déclaré qu’il attendait du monde qu’il adopte une position morale contre la Russie et pour lui. En réalité, tout le monde se range petit à petit du côté de la Russie. Que la Chine et la Corée du Nord le fassent n’est peut-être pas une surprise. Que l’Iran fasse de même , compte tenu de son histoire et de ses relations avec la Russie, est quelque peu surprenant. Mais le fait que l’Inde, que le monde occidental considère comme la démocratie la plus peuplée, soit également du côté des Russes est étonnant. Que la Turquie refuse d’accepter les exigences morales de l’Occident, bien qu’elle soit membre de l’OTAN, est vraiment surprenant. Et le fait que le monde musulman considère la Russie non pas comme un ennemi mais comme un partenaire est complètement inattendu. La guerre a révélé que le plus grand problème auquel le monde est confronté aujourd’hui est la faiblesse et la désintégration de l’Occident. (Le comportement irrationnel de l’Occident est la plus grande menace pour le monde aujourd’hui.) L’Occident pense que les États-nations n’existent plus. C’est inimaginable pour nous, mais c’est pourtant ce qu’il pense. Le système de coordonnées dans lequel nous pensons, nous autres Européens centraux, n’a donc aucune importance. Dans notre conception, le monde est constitué d’États-nations qui exercent un monopole national sur l’usage de la force, créant ainsi une situation de paix générale. Dans ses relations avec les autres États, l’État-nation est souverain, c’est-à-dire qu’il a la capacité de déterminer de manière indépendante sa politique étrangère et intérieure. Dans notre conception, l’État-nation n’est pas une abstraction juridique, ni une construction juridique : l’État-nation est enraciné dans une culture particulière . Il a un ensemble de valeurs communes, il a une profondeur anthropologique et historique. Et de là naissent des impératifs moraux communs fondés sur un consensus commun. C’est ce que nous considérons comme l’État-nation. Mais, à l’opposé, les Occidentaux considèrent que les États-nations n’existent plus. Ils nient donc l’existence d’une culture commune et d’une morale commune fondée sur celle-ci. Ils n’ont pas de morale commune. Pour eux, la moitié occidentale de l’Europe est déjà post-nationale . Il ne s’agit pas seulement d’une situation politique différente, mais ce dont je veux parler ici, c’est d’un nouvel espace mental. Si l’on ne regarde pas le monde du point de vue des États-nations, on se retrouve face à une réalité complètement différente. C’est là que réside le problème, la raison pour laquelle les pays de l’ouest et de l’est de l’Europe ne se comprennent pas, la raison pour laquelle nous ne parvenons pas à nous unir. Si nous essayons de comprendre comment cette pensée occidentale – que nous devrions appeler, pour simplifier, pensée et condition « post-nationales » – a vu le jour, nous devons remonter à la grande illusion des années 1960. La grande illusion des années 1960 a pris deux formes : la première était la révolution sexuelle, la seconde la révolte étudiante. En fait, elle était l’expression de la croyance que l’individu serait plus libre et plus grand s’il était libéré de toute forme de collectivité. Plus de soixante ans plus tard, il est devenu clair qu’au contraire, l’individu ne peut devenir grand que par et dans une communauté, que lorsqu’il est seul, il ne peut jamais être libre, mais toujours solitaire et condamné à se rétrécir. En Occident, les liens ont été successivement abandonnés : les liens métaphysiques que sont Dieu, les liens nationaux que sont la patrie et les liens familiaux. Maintenant qu’ils ont réussi à se débarrasser de tout cela, en espérant que l’individu deviendrait plus grand, ils se retrouvent avec un sentiment de vide. Ils ne sont pas devenus grands, mais petits. Car en Occident, on ne désire plus ni de grands idéaux, ni de grands objectifs communs, motivants. Il faut parler ici du secret de la grandeur. Quel est le secret de la grandeur ? Le secret de la grandeur est de pouvoir servir quelque chose de plus grand que soi. Pour cela, il faut d’abord reconnaître qu’il existe dans le monde quelque chose ou des choses qui sont plus grandes que soi, et ensuite se consacrer à servir ces choses plus grandes. Il n’y en a pas beaucoup. On a son Dieu, son pays et sa famille. Mais si on ne fait pas cela, mais qu’on se concentre sur sa propre grandeur, en pensant qu’on est plus intelligent, plus beau, plus talentueux que la plupart des gens, si on dépense son énergie là-dessus, à communiquer tout cela aux autres, alors ce qu’on obtient n’est pas de la grandeur, mais de la prétention. Et c’est pourquoi aujourd’hui, chaque fois que nous discutons avec des Européens de l’Ouest, dans chaque geste, nous ressentons de la prétention au lieu de la grandeur. Je dois dire qu’il s’est créé une situation que nous pouvons appeler le vide, et le sentiment de superflu qui l’accompagne donne lieu à l’agressivité. D’où l’émergence du « nain agressif » comme un nouveau type de personne. En résumé, ce que je veux vous dire, c’est que lorsque nous parlons de l’Europe centrale et de l’Europe occidentale, nous ne parlons pas de différences d’opinions, mais de deux visions du monde différentes, de deux mentalités, de deux instincts et donc de deux arguments différents. Nous avons un État-nation qui nous pousse vers le réalisme stratégique. Ils ont des rêves post-nationalistes qui sont sans effet à l’égard de la souveraineté nationale, ne reconnaissent pas la grandeur nationale et n’ont pas d’objectifs nationaux communs. C’est la réalité à laquelle nous devons faire face. Enfin, le dernier élément de la réalité est que cette situation post-nationale que nous observons en Occident a des conséquences politiques graves – et je dirais dramatiques – qui bouleversent la démocratie. En effet, au sein des sociétés, il y a une résistance croissante à l’immigration, au genre, à la guerre et au mondialisme. Et cela crée le problème politique de l’élite et du peuple – de l’élitisme et du populisme. C’est le phénomène qui définit la politique occidentale aujourd’hui. Si vous lisez les textes, vous n’avez pas besoin de les comprendre, et ils n’ont pas toujours de sens de toute façon ; mais si vous lisez les mots, les expressions suivantes sont celles que vous trouverez le plus souvent. Elles indiquent que les élites condamnent le peuple pour sa dérive vers la droite. Les sentiments et les idées du peuple sont qualifiés de xénophobie, d’homophobie et de nationalisme. En réponse, le peuple accuse l’élite de ne pas se soucier de ce qui est important pour lui, mais de sombrer dans une sorte de mondialisme dérangé. En conséquence, les élites et le peuple ne peuvent pas s’entendre sur la question de la coopération. Je pourrais citer de nombreux pays. Mais si le peuple et les élites ne parviennent pas à s’entendre sur la coopération, comment peut-on parvenir à une démocratie représentative ? Parce que nous avons une élite qui ne veut pas représenter le peuple et qui est fière de ne pas vouloir le représenter ; et nous avons le peuple qui n’est pas représenté. En fait, dans le monde occidental, nous sommes confrontés à une situation dans laquelle les masses de personnes diplômées de l’enseignement supérieur ne représentent plus moins de 10 pour cent de la population, mais 30 à 40 pour cent. Et à cause de leurs opinions, ces personnes ne respectent pas ceux qui sont moins instruits, qui sont généralement des travailleurs, des gens qui vivent de leur travail. Pour les élites, seules les valeurs des diplômés sont acceptables, elles seules sont légitimes. C’est sous cet angle qu’il faut comprendre les résultats des élections au Parlement européen. Le Parti populaire européen a recueilli les voix des « plébéiens » de droite qui voulaient le changement, puis a transféré ces voix à la gauche et a conclu un accord avec les élites de gauche qui ont intérêt au maintien du statu quo. Cela a des conséquences pour l’Union européenne. La conséquence est que Bruxelles reste sous l’occupation d’une oligarchie libérale. Cette oligarchie a la mainmise sur elle. Cette élite libérale de gauche organise en fait une élite transatlantique : non pas européenne, mais mondiale ; non pas fondée sur l’État-nation, mais fédérale ; et non pas démocratique, mais oligarchique. Cela a également des conséquences pour nous, car à Bruxelles, les « 3 P » sont de retour : « interdit, permis et promu ». Nous appartenons à la catégorie des interdits. Les Patriotes pour l’Europe sont donc interdits d’occuper des postes. Nous vivons dans le monde de la communauté politique autorisée. Pendant ce temps, nos adversaires nationaux – en particulier les nouveaux venus au Parti populaire européen – appartiennent à la catégorie fortement promue. Les valeurs occidentales, qui étaient l’essence même de ce qu’on appelle le « soft power », sont devenues un boomerang. Il s’est avéré que ces valeurs occidentales, que l’on pensait universelles, sont manifestement inacceptables et rejetées dans un nombre croissant de pays à travers le monde. Il s’est avéré que la modernité, le développement moderne, n’est pas occidental, ou du moins pas exclusivement occidental – parce que la Chine est moderne, l’Inde devient de plus en plus moderne, et les Arabes et les Turcs se modernisent ; et ils ne deviennent pas du tout un monde moderne sur la base des valeurs occidentales.  Entre-temps, le soft power occidental a été remplacé par le soft power russe , car maintenant la clé de la propagation des valeurs occidentales est la communauté LGBTQ. Quiconque n’accepte pas cela est désormais classé dans la catégorie des « arriérés » par rapport au monde occidental. Je ne sais pas si vous avez suivi, mais je trouve remarquable qu’au cours des six derniers mois, des lois pro-LGBTQ aient été adoptées par des pays comme l’Ukraine, Taiwan et le Japon. Mais le monde n’est pas d’accord. Aujourd’hui, l’arme tactique la plus puissante de Poutine est l’exposition occidentale de la communauté LGBTQ et la résistance à celle-ci, l’opposition à celle-ci. C’est devenu l’attraction internationale la plus forte de la Russie ; ainsi, ce qui était autrefois le soft power occidental s’est transformé en soft power russe – comme un boomerang. En définitive, Mesdames et Messieurs, je peux dire que la guerre nous a aidés à comprendre l’état réel du pouvoir dans le monde. C’est un signe que dans sa mission, l’Occident s’est tiré une balle dans le pied et accélère ainsi les changements qui transforment le monde. Nous vivons un changement, un changement qui s’annonce, qui n’avait pas eu lieu depuis cinq cents ans. Nous ne l’avons pas remarqué, car au cours des 150 dernières années, de grands changements se sont produits en nous et autour de nous, mais dans ces changements, la puissance mondiale dominante a toujours été l’Occident. Et nous partions du principe que les changements que nous observons aujourd’hui vont probablement suivre cette logique occidentale. En revanche, il s’agit aujourd’hui d’une situation nouvelle. Dans le passé, le changement était occidental : les Habsbourg se sont élevés puis sont tombés ; l’Espagne s’est élevée et est devenue le centre du pouvoir ; elle est tombée et les Anglais se sont élevés ; la Première Guerre mondiale a mis fin aux monarchies ; les Britanniques ont été remplacés par les Américains comme leaders mondiaux ; puis la guerre froide russo-américaine a été remportée par les Américains. Mais tous ces développements d’alors sont restés dans le cadre de notre logique occidentale. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et c’est à cela que nous devons faire face ; car le monde occidental n’est pas remis en cause de l’intérieur du monde occidental, et la logique du changement a donc été perturbée. Ce dont je parle, et ce à quoi nous sommes confrontés, c’est en réalité un changement de système mondial. Et c’est un processus qui vient d’Asie . Pour le dire succinctement et de manière primitive, pendant les prochaines décennies – ou peut-être les siècles, car le système mondial précédent a été en place pendant cinq cents ans – le centre dominant du monde sera en Asie : la Chine, l’Inde, le Pakistan, l’Indonésie, et je pourrais continuer ainsi. Ils ont déjà créé leurs formes, leurs plateformes, il y a cette formation des BRICS dans laquelle ils sont déjà présents. Et il y a l’Organisation de coopération de Shanghai, au sein de laquelle ces pays construisent la nouvelle économie mondiale. Je pense que c’est un processus inévitable , car l’Asie a l’avantage démographique, elle a l’avantage technologique dans de plus en plus de domaines, elle a l’avantage du capital, et elle met sa puissance militaire en équilibre avec celle de l’Occident.      L’Asie aura – ou a peut-être déjà – le plus d’argent, les plus gros fonds financiers, les plus grandes entreprises du monde, les meilleures universités, les meilleurs instituts de recherche et les plus grandes bourses. Elle disposera – ou dispose déjà – des recherches spatiales les plus avancées et des sciences médicales les plus avancées. De plus, nous, les Occidentaux – et même les Russes – avons été bien encadrés dans cette nouvelle entité qui prend forme. [Ce processus est] presque imparable et irréversible. Le président Trump s’efforce de trouver une réponse américaine à cette situation. En fait, la tentative de Donald Trump est probablement la dernière chance pour les États-Unis de conserver leur suprématie mondiale. On pourrait dire que quatre ans ne suffisent pas, mais si vous regardez qui il a choisi comme vice-président, un homme jeune et très fort, si Donald Trump gagne maintenant, dans quatre ans son vice-président sera candidat. Il peut faire deux mandats, ce qui fera un total de douze ans. Et dans douze ans, une stratégie nationale pourra être mise en œuvre. Je suis convaincu que beaucoup de gens pensent que si Donald Trump revient à la Maison Blanche, les Américains voudront conserver leur suprématie mondiale en maintenant leur position dans le monde. Je pense que c’est faux . Bien sûr, personne ne renonce à son rang de son propre chef, mais ce ne sera pas l’objectif le plus important. Au contraire, la priorité sera de reconstruire et de renforcer l’Amérique du Nord . Cela ne concerne pas seulement les États-Unis, mais aussi le Canada et le Mexique, car ils forment ensemble un espace économique. Et la place de l’Amérique dans le monde sera moins importante . Il faut prendre au sérieux ce que dit le président : « L’Amérique d’abord, tout ici, tout reviendra à la maison ! » C’est pourquoi on développe la capacité à lever des capitaux de partout. Nous en souffrons déjà : les grandes entreprises européennes n’investissent pas en Europe, mais en Amérique, car la capacité d’attirer des capitaux semble se profiler à l’horizon. Elles vont tout faire payer à tout le monde. Je ne sais pas si vous avez lu ce que le président a dit. Par exemple, que les Etats Unis ne sont pas une compagnie d’assurances, et si Taïwan veut la sécurité, elle doit payer. Ils nous feront payer le prix de la sécurité, à nous les Européens, à l’OTAN et à la Chine ; et elles parviendront également à un équilibre commercial avec la Chine par le biais de négociations, et le feront évoluer en faveur des États-Unis. Elles déclencheront un développement massif des infrastructures américaines, de la recherche militaire et de l’innovation . Ils parviendront – ou ont peut-être déjà atteint – l’autosuffisance énergétique et l’autosuffisance en matières premières ; et enfin, ils s’amélioreront idéologiquement, renonçant à l’exportation de la démocratie. L’Amérique d’abord. L’exportation de la démocratie est terminée. C’est l’essence de l’expérience que l’Amérique mène en réponse à la situation décrite ici.       Quelle est la réponse européenne au changement du système mondial ? Nous avons deux options.      La première est ce que nous appelons le « musée à ciel ouvert ». C’est ce que nous avons aujourd’hui. Nous nous dirigeons vers cela. L’Europe, absorbée par les États-Unis, restera dans un rôle de sous-développement. Ce sera un continent qui émerveillera le monde, mais qui n’aura plus en lui la dynamique de développement. La deuxième option, annoncée par le président Macron, est l’autonomie stratégique. En d’autres termes, nous devons entrer dans la compétition du changement du système mondial. Après tout, c’est ce que font les États-Unis, selon leur propre logique. Et nous parlons bien de 400 millions de personnes. Il est possible de recréer la capacité de l’Europe à attirer des capitaux, et il est possible de faire revenir des capitaux d’Amérique. Il est possible de réaliser de grands développements d’infrastructures, notamment en Europe centrale – le TGV Budapest-Bucarest et le TGV Varsovie-Budapest, pour ne citer que ceux dans lesquels nous sommes impliqués. Nous avons besoin d’une alliance militaire européenne avec une industrie de défense européenne forte, de la recherche et de l’innovation. L’Europe a besoin d’une autosuffisance énergétique, ce qui ne sera pas possible sans l’énergie nucléaire. Et après la guerre, nous avons besoin d’une nouvelle réconciliation avec la Russie. Cela signifie que l’Union européenne doit renoncer à ses ambitions en tant que projet politique, se renforcer en tant que projet économique et se construire en tant que projet de défense. Dans les deux cas – musée à ciel ouvert ou compétition – il faudra se préparer à ce que l’Ukraine ne soit pas membre de l’OTAN ou de l’Union européenne , car nous, Européens, n’avons pas assez d’argent pour cela. L’Ukraine redeviendra un État tampon. Si elle a de la chance, cela s’accompagnera de garanties de sécurité internationale, qui seront inscrites dans un accord entre les États-Unis et la Russie, auquel nous, Européens, pourrons peut-être participer. L’expérience polonaise échouera, car ils n’ont pas les ressources nécessaires : ils devront retourner en Europe centrale et dans le V4. Attendons donc le retour des frères et sœurs polonais. En résumé, je peux donc dire que les conditions sont réunies pour une politique nationale indépendante à l’égard de l’Amérique, de l’Asie et de l’Europe. Elles définiront les limites de notre marge de manœuvre. Cette marge de manœuvre est vaste – plus vaste qu’elle ne l’a jamais été au cours des cinq derniers siècles. La question suivante est de savoir comment nous devons utiliser cette marge de manœuvre à notre avantage. Si un changement de système mondial doit se produire, nous devons alors adopter une stratégie qui en soit digne. L’essence de la grande stratégie de la Hongrie est donc la connectivité. Cela signifie que nous ne nous laisserons pas enfermer dans l’un des deux hémisphères émergents de l’économie mondiale. L’économie mondiale ne sera pas exclusivement occidentale ou orientale. Nous devons être présents dans les deux, à l’Ouest et à l’Est. Cela aura des conséquences. La première. Nous ne nous impliquerons pas dans la guerre contre l’Est. Nous ne participerons pas à la formation d’un bloc technologique opposé à l’Est, et nous ne participerons pas à la formation d’un bloc commercial opposé à l’Est. Nous rassemblons des amis et des partenaires, pas des ennemis économiques ou idéologiques. Nous ne suivons pas la voie intellectuellement plus facile qui consiste à nous accrocher à quelqu’un, mais nous suivons notre propre chemin. C’est difficile – mais il y a une raison pour laquelle la politique est décrite comme un art. Le deuxième chapitre de la grande stratégie concerne les fondements spirituels. Au cœur de cette stratégie se trouve la défense de la souveraineté. J’ai déjà suffisamment parlé de politique étrangère, mais cette stratégie décrit également les fondements économiques de la souveraineté nationale. Ces dernières années, nous avons construit une pyramide. Au sommet se trouvent les « champions nationaux ». Au-dessous d’eux se trouvent les entreprises de taille moyenne compétitives au niveau international, puis les entreprises qui produisent pour le marché intérieur. Au bas de la pyramide se trouvent les petites entreprises et les entrepreneurs individuels. C’est l’économie hongroise qui peut servir de base à la souveraineté. Nous avons des champions nationaux dans les domaines suivants : banque, énergie, alimentation, production de produits agricoles de base, informatique, télécommunications, médias, génie civil, construction de bâtiments, promotion immobilière, produits pharmaceutiques, défense, logistique et, dans une certaine mesure, par le biais des universités , industries du savoir. Et ce sont nos champions nationaux. Ils ne sont pas seulement des champions nationaux, ils sont tous présents sur la scène internationale et ils ont prouvé qu’ils étaient compétitifs. En dessous de ces chiffres, il y a les PME. Je tiens à vous informer qu’aujourd’hui, la Hongrie compte quinze mille PME actives et compétitives à l’échelle internationale. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 2010, elles étaient trois mille. Aujourd’hui, nous en avons quinze mille. Et il va de soi que nous devons élargir la base des petites entreprises et des entrepreneurs individuels. Si, d’ici 2025, nous pouvons établir un budget de paix et non un budget de guerre, nous lancerons un vaste programme en faveur des PME. La base économique de la souveraineté signifie également que nous devons renforcer notre indépendance financière. Nous devons réduire notre dette non pas à 50 ou 60 %, mais à près de 30 % et nous devons nous positionner comme un créancier régional. Nous faisons déjà des efforts dans ce sens et la Hongrie accorde des prêts d’État à des pays amis de notre région qui sont importants pour elle. Il est important que, conformément à la stratégie, nous restions un centre de production : nous ne devons pas basculer vers une économie de services. Le secteur des services est important, mais nous devons conserver le caractère de la Hongrie en tant que centre de production, car c’est la seule façon de garantir le plein emploi sur le marché du travail national. Nous ne devons pas répéter l’erreur de l’Occident consistant à utiliser des travailleurs immigrés pour effectuer certains travaux de production, car les populations d’accueil considèrent déjà que certains types de travail sont indignes d’elles. Si cela devait se produire en Hongrie, cela provoquerait un processus de dissolution sociale difficile à enrayer. Et, pour la défense de la souveraineté, ce chapitre comprend également la construction d’universités et de centres d’innovation. Le troisième chapitre identifie le corps de la grande stratégie : la société hongroise dont nous parlons. Si nous voulons être vainqueurs, cette société hongroise doit être solide et résiliente. Elle doit avoir une structure sociale solide et résiliente. La première condition pour cela est de stopper le déclin démographique . Nous avions bien commencé, mais maintenant nous avons stagné. Il faut un nouvel élan. D’ici 2035, la Hongrie doit être autosuffisante sur le plan démographique. Il ne peut être question de compenser le déclin démographique par des migrations. L’expérience occidentale montre que s’il y a plus d’invités que d’hôtes, alors la maison n’est plus la maison. C’est un risque qu’il ne faut pas prendre. Par conséquent, si après la fin de la guerre nous pouvons établir un budget de paix, alors pour retrouver la dynamique de l’amélioration démographique, il faudra probablement doubler le crédit d’impôt pour les familles avec enfants en 2025 – en deux étapes, pas en une, mais en un an.  Il faut contrôler l’afflux de ceux qui viennent d’Europe occidentale et qui veulent vivre dans un pays national chrétien. Le nombre de ces personnes va continuer à augmenter. Rien ne sera automatique et nous serons sélectifs. Jusqu’à présent, ils l’ont été, mais maintenant, c’est nous qui le serons. Pour que la société soit stable et résiliente, elle doit être fondée sur une classe moyenne : les familles doivent avoir leur propre richesse et leur indépendance financière. Le plein emploi doit être préservé et la clé pour cela sera de maintenir la relation actuelle entre le travail et la population rom. Il y aura du travail et on ne peut pas vivre sans travail. C’est le marché et c’est l’essence de ce qui est proposé. Enfin, il y a l’élément crucial de la souveraineté . C’est l’essence même de la protection de la souveraineté, qui est la protection de la spécificité nationale. Il ne s’agit pas d’assimilation, ni d’intégration, ni de mélange, mais de maintien de notre propre caractère national. C’est la base culturelle de la défense de la souveraineté : la préservation de la langue et le fait d’éviter un état de « religion zéro ». L’état de « religion zéro » est un état dans lequel la foi a disparu depuis longtemps, mais où la tradition chrétienne a également perdu sa capacité à nous fournir des règles culturelles et morales de comportement qui régissent notre relation au travail, à l’argent, à la famille, aux relations sexuelles et à l’ordre de priorité dans nos relations les uns avec les autres. C’est ce que les Occidentaux ont perdu. » (Extraits de la conférence du Premier ministre hongrois Viktor Orbán à la 33e université d’été libre et camp d’étudiants de Bálványos)
« La Russie, est en guerre, et donc utilise tous les moyens pour affaiblir l’occident : En étant le fer de lance de la dédollarisation. En jouant sur les liens tissés lors de la décolonisation pour s’allier l’Afrique. En dressant contre l’occident «décadent» une communication forte axée sur le respect des valeurs de la famille, des cultures, religions, et des peuples. Et en occupant les terrains : Diplomatiques (ouvertures d’ambassades, respect du protocole pointilleux), Médiatiques, (essaimage de TASS et partenariat, RT, Sputnik), Militaires (Nombreux accords de coopération, de formation et d’armement, sans parler de l’influence de Wagner), Culturels (augmentation du nombre d’étudiants en Russie, ouverture de centre culturels, l’industrie du cinéma reste cependant à mettre à la hauteur des autres arts où la Russie a déjà ses lettres de noblesse), Sportifs (invitations aux Jeux Mondiaux de l’Amitié), Économique (accords céréaliers, investissements dans les réseaux énergétiques, miniers, abandon de créances sur les pays les plus faibles), Moral (fin du Lgbtisme). En termes d’échanges, que peut fournir l’Afrique à la Russie qu’elle n’aurait pas ? La Russie pratique donc ici une guerre d’influence qui parachève le caractère global du conflit en dérobant des pays, des populations entières à l’hégémonie chancelante américaine : il s’agit bien d’un conflit mondial civilisationnel. Quant à la Chine, elle continue son expansion commerciale. L’Afrique peut donc échanger valablement matières premières contre biens de consommation, infrastructures et investissements. La dynamique de la Chine est donc très différente de celle de la Russie. Il semble que la Chine et la Russie se soient réparties en ce moment les zones d’influences : à la Chine, l’Amérique centrale et du Sud, à la Russie, l’Afrique et ensemble à l’OCS, l’Asie centrale. Reconnaissons que la Chine et la Russie, à elles seules, pourraient vivre et se développer en autarcie complète. La Russie et la Chine pensent que les Nations unies sont indispensables à un monde apaisé mais il faudra passer par une régénération de son personnel trop atlantiste, et une révision du Conseil de Sécurité. Les BRICS proposent un cadre juridique simple et rassurant. Cet outil pourra rapidement être mis en place pour peu de frais. Ce que cherchent les candidats BRICS, et cette quête est commune, c’est la mise en place de lois internationalement reconnues et appliquées. Les Nations unies ont été discréditées par son inféodation à la superpuissance du monde d’avant. » (Extraits de l'article « De BRICS et de Broques » à l'adresse https://strategika.fr/category/actualite/)
« L’idée que l’État-nation est dépassé est en réalité une vieille idée. Déjà dans sa conférence à la Sorbonne en 1882, Ernest Renan prédisait, en même temps qu’il tentait de définir la nation, qu’elle finirait par se dissoudre dans un vaste ensemble européen. Les critiques les plus virulentes du modèle de l’État-nation apparaissent avec la montée en puissance du fascisme, et d’autant plus après sa chute. La papesse du totalitarisme, Hannah Arendt, porte ses estocades contre l’État-nation qui détient en lui-même le germe du nationalisme. Arendt construit toute sa critique de la question nationale sous l’angle de l’antisémitisme et rêve d’une fédération européenne dans laquelle les juifs pourraient exister et s’émanciper comme une portion de nation parmi les nations, au sein d’un vaste parlement ouvert aux minorités. Car la grande question est bien celle des minorités. L’État anti-nation promu par Arendt et développé à partir des années 1970 en France, c’est donc un État mis au service de la minorité, contre la volonté générale conçue comme nécessairement violente et discriminante. Ce que Hannah Arendt appelle de ses vœux, sans doute naïvement, c’est le règne du lobby (communautaire et/ou financier) dont le parlement européen est effectivement devenu le temple. La conception de l’État-nation qui favorise, au nom de l’homogénéité nécessaire, l’exclusion et donc la violence des éléments hétérogènes, prend le contre-pied de la vision ancienne de l’État dont la violence centralisée devait permettre d’éliminer la violence privée ou communautaire. Ainsi, pour mettre cette idée en perspective, Ibn Khaldûn, historien et philosophe qui vécut la fin de sa vie dans l’Égypte des Mamelouks à la fin du 14e siècle, considérait que l’individu naît au sein de l’État car le rôle de ce dernier est de casser les solidarités tribales dans lesquelles règne la violence privée. Ainsi, l’État assure la sécurité de tous en brisant le groupe. Brisé et privé de défenses communautaires, le « Bédouin » – puisque c’est la référence utilisée par Ibn Khaldûn – est contraint de devenir individu et de s’en remettre à la force de l’État. Dans la classification de Philip Bobbitt que nous avons déjà mobilisée, celui qui fut directeur du conseil de sécurité nationale sous l’administration Clinton propose un nouveau modèle d’État, mieux à même de relever les défis contemporains que le vieil État-nation obsolète : c’est l’État-marché. Ainsi, la longue guerre, qui englobe les deux guerres mondiales, la révolution bolchevique, la guerre civile espagnole, les guerres de Corée et du Viêt Nam et la guerre froide, résultait d’une concurrence entre différentes variantes de l’État-nation industriel du 20e siècle (fasciste, communiste ou parlementaire). L’enjeu était de savoir qui serait à même de supplanter les États-nations impériaux du XIXe siècle. Pour le 21e siècle, Bobbitt identifie des enjeux qui cochent toutes les cases du projet mondialiste : pandémies, catastrophes écologiques, migrations internationales hors de contrôle, mondialisation de l’économie. Pour Bobbitt, le « deal » territorial de l’État-nation ne peut faire face à de tels enjeux, qui dépassent tous les frontières nationales. D’où la mise en place d’un État-marché qui sous-traite au secteur privé les fonctions régaliennes, pousse la population à « s’autonomiser » en matière de protection sociale, renonce à tous les projets de redistribution des richesses. La grande peur des cadres des régimes démocratiques, c’est la volonté générale, surtout lorsqu’elle s’exprime par des masses visibles et revendicatrices. Pour Carl Schmitt, le plébiscite était le moyen de faire s’exprimer la souveraineté populaire car elle permettait de fonder la légitimité du pouvoir en même temps qu’elle participait à homogénéiser la nation en discriminant les « amis » des « ennemis ». Les dirigeants de la IIIe République avaient bien compris les dangers d’une telle expression populaire puisqu’elle avait mené au pouvoir, par la voix du suffrage universel adopté en 1848, Louis-Napoléon Bonaparte. Les Gilets jaunes ont fait tremblé « l’État-marché », et pas seulement en France, en réunissant une portion infime mais très démonstrative de la population française, emportant de fait le soutien général de la nation. On peut parler d’un plébiscite de fait, un plébiscite manifeste. Pour les démocraties libérales, le plébiscite, c’est la nation sauvage, incontrôlable. C’est le fascisme. Les régimes fascistes se sont appuyés sur la masse, réunie dans de grands stades ou sur de grandes places. C’est le fascisme. Les régimes fascistes se sont appuyés sur la masse, réunie dans de grands stades ou sur de grandes places. On comprend la fébrilité des élites occidentales, baignées dans la douceur suave et feutrée de la démocratie représentative, face à des régimes politiques contemporains renouant avec des modes de gouvernance favorisant la manifestation de la volonté générale. Les discours de Vladimir Poutine ou de Donald Trump dans des stades combles ne peuvent être associés, au sein des États anti-nation d’Occident, qu’à un retour du fascisme soutenu par une plèbe manipulable et embrigadée.  En France, le divorce entre la nation et ses représentants n’est pas une vue de l’esprit et il se manifeste lors de séances de démocratie directe, dans la rue ou dans les stades. À ce niveau, c’est la nation qui rejette le représentant de l’État comme un corps étranger. On peut voir plusieurs grandes caractéristiques dans la nation française. Ce fut d’abord un peuple de guerriers. Cela vaut pour les Francs, comme nous l’avons montré, mais aussi pour les Gaulois, dont les cavaliers constituaient de redoutables mercenaires très recherchés. Une nation paysanne également, attachée à une terre à la fertilité exceptionnelle. Ce fut ensuite, avec Clovis, une nation chrétienne catholique, fille aînée de l’Église. Une nation politique enfin, qui exerça son influence sur l’Europe et sur une large partie du monde. Finalement, l’État-marché est un État anti-nation. Il conserve l’armature étatique, ce qui lui permet de puiser ses ressources dans l’économie réelle, tout en se délestant du poids de la nation dont la nature immatérielle ne peut se fondre dans une somme d’intérêts matérialistes, et désormais nihilistes, d’une élite mondialiste. Le référendum de 2005 est, en France, la dernière fois où la nation française put se manifester dans le cadre des institutions de la Ve République, tout comme 2003 et le non à la guerre américano-sioniste en Irak fut le chant du cygne de la souveraineté française. La prise en main du pays par une élite corrompue et soumise à des intérêts anti-nationaux a fait table rase du potentiel national récalcitrant. Le « gaulois réfractaire » devait être mis au pas pour accepter la destruction de son homogénéité. Appuyées sur le « transcolonialisme » et sur une propagande d’État, les attaques contre la nation et, plus généralement, contre l’homme qui la constitue, doivent accompagner le changement de modèle de l’État. La liberté, l’égalité et la fraternité sont des idées dépassées, encombrantes, qui ne correspondent plus aux nécessités du temps. Tout comme la cathédrale qui perdure dans son emplacement mais est transformée dans l’essence de son projet, la nation doit manifestement être déconstruite pour devenir une nouvelle création. Une nation sans âme car vendue à vil prix. Dans un État-marché, tout s’achète et tout se vend. Sa raison d’être n’est pas le salut, le bien commun ou même le bonheur. Sa raison d’être est le mouvement (de capitaux, de personnes, de marchandises, d’informations ...) qui permet de dissimuler à des yeux hagards la réalité de son ambition fatale. Même face à ce constat désastreux, tout n’est pas perdu. Pas simplement parce qu’il faudrait être optimiste par principe, mais plutôt parce que l’homme garde malgré tout l’immense privilège de ne pas connaître l’avenir. Même d’un point de vue traditionnel, celui de la descente progressive à travers les différents âges de l’humanité, l’histoire montre que cette descente n’est pas rectiligne et qu’il existe des phases de redressements inattendus, le plus souvent après des périodes de crises intenses. La France, comme beaucoup d’autres nations, traverse une crise existentielle. Plus on s’enfonce dans les problèmes, plus on se rapproche d’un dénouement violent. Toute la question est de savoir pour qui ce sera violent.  Pour finir sur une note lyrique, et en même temps boucler la boucle, on pourrait faire parler saint Rémi, « apôtre des Francs », s’il avait à s’adresser à nous, postérité finissante de Clovis : « Redresse-toi, triste Sicambre, tu t’es bien assez courbé ! » » (Hyacinthe Maringot)